Vous arrive-t-il de pleurer devant une pub ? De sentir les émotions des autres comme si c’était les vôtres ? De vous sentir épuisé(e) après une réunion ou un dîner animé ? Si oui, peut-être avez-vous entendu ce mot, presque murmure, presque reproche : « hypersensible ».
Et vous vous demandez peut-être : est-ce que je suis trop sensible pour être heureux ? Et si la réponse était plus nuancée qu’un simple oui ou non ?
Définir l’hypersensibilité : un cerveau, un coeur, une peau à fleur d’âme
Être hypersensible, ce n’est pas juste pleurer facilement. C’est percevoir les stimuli du monde de façon amplifiée. Un son trop aigu, une lumière trop forte, une remarque mal calibrée peuvent prendre des proportions immenses.
Mais ce n’est pas un « défaut ». C’est un mode de fonctionnement neurologique différent, décrit par la psychologue Elaine Aron dans les années 90, et largement développé en France par Saverio Tomasella, auteur du livre « Hypersensibles : trop sensibles pour être heureux ? ».
Les hypersensibles ont un cerveau plus actif dans les zones liées à l’empathie, la réflexion et la détection des détails. Le tout accompagné d’une activité émotionnelle plus intense.
Les tempêtes du quotidien : quand tout pèse un peu plus lourd
La première difficulté, c’est que le monde ne ralentit pas pour les hypersensibles.
Un open space bruyant, un chef trop direct, une journée surchargée… tout cela peut devenir un orage intérieur. Le trop est partout : trop de bruit, trop d’informations, trop de sollicitations.
Une amie, hypersensible elle aussi, m’a confié un jour qu’elle ressortait lessivée d’un simple repas de famille. Non pas par manque d’amour, mais par surcharge. Trop de paroles croisées, trop d’attentes non dites, trop de tensions perçues.
Et dans ce contexte, on se demande souvent : « Pourquoi je n’arrive pas à être heureux comme les autres ? ».
La tyrannie du « sois fort » : une norme qui étouffe
Dans nos sociétés occidentales, la valorisation du stoïcisme est évidente. On félicite ceux qui « gardent leur sang-froid », qui « avancent sans se plaindre », qui « ne se laissent pas atteindre ».
Alors quand vous ressentez tout plus fort, vous avez l’impression d’être à côté. D’être trop fragile, trop intense, trop… vous.
Mais qui a dit que la sensibilité était une faiblesse ? Et si c’était une autre manière de percevoir le monde ? Une manière plus subtile, plus fine, plus humaine ?
Sensibles et heureux : une cohabitation possible ?
Ça peut paraître paradoxal. Mais oui, on peut être hypersensible et heureux. Ce bonheur ne ressemble pas à celui des pubs de lessive, mais il est profond, sincère, ancré.
Les hypersensibles savent être émerveillés par de petits riens : la texture d’un tissu, l’odeur d’un livre ancien, un regard tendre dans un café. Ils captent des nuances que d’autres ne voient pas.
Le bonheur, pour un hypersensible, n’est pas un éclat permanent, mais une mosaïque de détails riches et profonds.
Apprendre à naviguer : les clés pour bien vivre sa sensibilité
Oui, il y a des outils. Et non, ce n’est pas une fatalité.
Voici quelques pistes concrètes, testées et approuvées (par moi et d’autres) :
1. Identifier ses déclencheurs
Prenez un carnet et notez les situations qui vous submergent. Quelles personnes, quels lieux, quels moments ? Identifier, c’est le premier pas vers la prévention.
2. Créer des zones tampons
Avant une journée intense, prévoyez 15 minutes de calme. Après un repas familial, offrez-vous une balade seule. Ces parenthèses sont vitales pour « réguler le trop ».
3. Communiquer avec clarté
Dire « j’ai besoin de silence » ou « je suis submergé(e) » n’est pas un caprice. C’est une manière de vous respecter (et d’apprendre aux autres à faire de même).
4. Cultiver ses ressources sensorielles
Une musique qui vous apaise, une texture rassurante, une odeur familière… Créez votre trousse de secours sensorielle. C’est simple et étonnamment efficace.
Transformer sa sensibilité en force
Là où certains fuient les conflits, les hypersensibles peuvent sentir les tensions naissantes et favoriser le dialogue. Là où d’autres survolent les échanges, ils vont au fond des choses.
Dans les métiers de soin, de création, d’écoute, la sensibilité est un superpouvoir. Encore faut-il apprendre à s’en servir, et à mettre des limites pour ne pas se dissoudre.
Un jour, en pleine formation, une participante m’a dit : « Je croyais que ma sensibilité me rendait faible. En fait, elle me rend juste plus connectée aux autres. » C’était ça. Exactement ça.
Quand la souffrance persiste : oser se faire accompagner
Parfois, l’hypersensibilité se double d’anxiété, de fatigue chronique, de troubles de l’estime de soi. Ce n’est pas un signe de faiblesse, mais un signal à écouter.
Un accompagnement psychologique, une thérapie douce (comme l’EMDR, la sophrologie, ou la pleine conscience) peuvent aider à mieux apprivoiser cette intensité.
Et puis, il y a les livres. Celui de Tomasella bien sûr, mais aussi ceux d’Ilse Sand ou de Judith Orloff, très accessibles et compatissants.
et si vous étiez justement calibré pour ressentir plus ?
Alors, non. Vous n’êtes pas « trop » sensible pour être heureux.
Vous êtes sensible autrement. Et le bonheur est toujours possible, pour peu qu’on vous laisse le dessiner avec vos propres couleurs.
Et si, justement, cette façon de sentir plus fort était un chemin vers un bonheur plus profond ?